Jean-Jacques Robert, paysagiste et architecte, nous propose sa vision d'un urbanisme prenant en compte... patrimoine, culture et avenir.
Jouars-Pontchartrain et son château sont depuis toujours inséparables et unis. La ville n’existe que par son château. Le château a fait naitre la ville, ses fermes, les hameaux, son hôpital des Bordes et ses moulins.
Pourtant, la valorisation de ce patrimoine culturel a été abandonnée depuis l’entre-deux guerres. L’Etat, les Propriétaires, les Collectivités, ont fait peu d’efforts, voire abandonné ce patrimoine pendant les décennies suivantes malgré quelques tentatives isolées.
Aujourd’hui le retour de la pensée urbaine et la réflexion menée par le paysagiste A. Chemetoff pourrait permettre à la ville de retrouver une vision globale valorisante à l’image des ‘’sites patrimoniaux remarquables’’ où la convergence de l’Etat, des collectivités et des citoyens pourraient se retrouver dans un projet de territoire partagé.
Outre la requalification des espaces bâtis, c’est bien sûr la redéfinition et l’usage de l’espace public qui seront déterminants pour le partage, la valorisation et l’animation de celui-ci.
Le château a donné la vie au village avant que son assoupissement cède la place au fracas désordonné de la route de Dreux et à l’économie de l’immédiat.
L’endormissement de la ville dortoir actuelle renforcé par le récent PLU est à l’encontre des aspirations de la population. Celle-ci s’est réveillée lors des dernières élections par des inquiétudes sur leur qualité de vie, les menaces sur le patrimoine et l’action des associations.
Son désir de partager les décisions municipales, d’améliorer le quotidien très dégradé, de développer une nouvelle vie locale, (comme bien des villes et quartiers de province) a été renforcé par les craintes et contraintes liées à l’évolution du climat dont la covid constitue un avatar.
L’évolution récente du château et du domaine entrepris par la municipalité précédente a aussi été un déclencheur de l’émotion qu’elle suscite. La création d’un lotissement fermé sélectif constitue évidemment la forme la plus anti-urbaine que l’on puisse imaginer (la forme urbaine de l’apartheid).
Vider l’intérieur du bâtiment pour un redécoupage fonctionnel, oublier l’espace construit des tracés historiques, c’est perdre la mémoire d’un site. On retire les pages pour ne garder que la couverture du livre.
Les nombreux inconvénients de ce projet, (répertoriés à la suite), se sont même aggravés dans sa dernière version de pure finance auquel l’Etat apporte sa contribution (la municipalité précédente avait promis moins de logements et la propriété publique du parc, ce qui n’est même plus le cas).
Liste des dommages et contraintes
Charge à la commune de l’accès par la rue Phélyppeaux
Gestion de l’augmentation du flux automobile
Détournement de l’objectif d’intérêt public de la culture au profit d’intérêts privés spéculatifs
Aggravation du déséquilibre sociologique de la commune souligné par le PLU
Augmentation du logement au détriment de l’activité
Aggravation du quota de logements sociaux
Inquiétudes sur la gestion de l’eau au niveau du parc
L’orientation prise par la municipalité précédente, et fortement contestée par la population s’aggrave, ce qui est décevant et laisse présager une situation inquiétante et un exemple pour les promoteurs sur le manque de maitrise du territoire communal
Affront ultime aux seigneurs de Pontchartrain, grands et respectés serviteurs de l’Etat
Au terme du projet la collectivité récupère bien des charges et peu d’avantages.
Jusqu’à présent, propriété privée, le château n’a réussi, malgré plusieurs projets publics ou privés des anciennes municipalités, à se trouver une destination compatible contrairement à bien d’autres. Sa situation qui s’est dégradée depuis l’acquisition par la famille Lagasse en 1934 (parc classé transformé en exploitation agricole, sculptures vendues, ouverture du porche, suppression de planchers, abandon de certaines parties qui se ruinent, braderie du mobilier sans aucune intervention des services culturels), a préparé une vente à la découpe de longue date avant sa vente à une société de promotion profitant d’une manne financière providentielle de l’Etat pour un ultime découpage.
Pourtant, au contraire des annexes, sa situation immédiate n’est pas préoccupante et n’a aucune matière d’urgence aujourd’hui. Depuis sa période la plus représentative et la plus fastueuse, à l’époque de la Paîva, le château attend de retrouver une situation vertueuse, il patientera bien encore un peu !
Aussi au moment où l’espoir de quelques usages publics se font jour sérieusement, où l’idée de redonner à cet ensemble, une vie, une fréquentation, une économie en fusion avec le village, un nouvel espoir renait pour une action publique absente depuis longtemps.
Situé près de sites prestigieux dont ils pourraient apporter leur complémentarité, dans un parc Régional en limite de l’agglomération Parisienne, sur un espace archéologique exceptionnel, les pistes pour la création d’équipements publics ne sont pas négligeables et d’un tout autre intérêt local :
- CIAP (Centre d’Interprétation de l’Architecture et du Patrimoine) lié à l’exceptionnel état de conservation de Diodurum - Bibliothèque de l’Europe, - Observatoire de l’Enseignement de l’Histoire en Europe demandé par la France et soutenu par 23 autres pays européens en vue d’harmoniser l’enseignement de l’Histoire européenne et de pérenniser la paix - Campus universitaire et archéologique, - etc… Que pourraient compléter, par exemple, ultérieurement, un Centre sur le Paysage de Le Notre (qui n’existe pas) ou sur l’exceptionnel réseau des étangs et rigoles des Yvelines (qui n’existe pas non plus) ou un équipement indépendant compatible ; ce montage complexe, comme toutes les opérations d’urbanisme de demain, devra composer avec un tissu existant et ne peut pas laisser indifférents l’Etat, ni les Collectivités locales, qui ont là une chance de relance multiple et fructueuse.
La ville, qui réfléchit à un urbanisme nouveau et à une action accrue sur la vie quotidienne des Chartripontains, ne peut pas non plus laisser passer l’opportunité d’investir le programme de ce domaine devant l’immense apport que celui-ci pourrait représenter pour la commune.
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