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Une menace invisible




3 associations* de défense de l’environnement de Jouars-Pontchartrain se sont unies dans cette publication en 3 parties.



Il est responsable de 70.000 hospitalisations et 20.000 décès prématurés par an en Europe, faisant fuir la faune, et menaçant d’extinction certaines espèces. Il ne s’agit pourtant pas d’un autre virus, mais du bruit.


Il est défini par Le Larousse comme un ensemble des sons produits par des vibrations plus ou moins irrégulières et sans harmonie. Lorsqu’il devient répétitif et désagréable, il se transforme en nuisance. Et quand ces nuisances provoquées par les activités humaines dépassent les seuils d’impact sur la santé et les écosystèmes, elles deviennent une pollution. Cette pollution sonore est le résultat d'une concentration de bruits qui ne sont pas nécessairement intolérables au premier abord, mais qui persistent sur la durée. Elle se retrouve principalement là où la concentration humaine est la plus importante.


Pour 54 % des Français, le bruit des transports (trains, avions, circulation…) est la principale source de nuisance, loin devant les bruits issus des comportements (voisins bruyants) qui gêneraient 21 % de la population. En Europe, le bruit est la première source de plaintes entre voisins, et l'une des premières sources de conflits au travail. Les cloches elles-mêmes sont parfois réglementées par les municipalités pour répondre aux souhaits ou préférences de la population qui en est riveraine. En région parisienne, 1,5 million d’habitants sont exposés à des niveaux de bruit des transports qui dépassent les limites réglementaires. Le trafic routier en est le principal responsable.


Au-delà de notre santé et de notre environnement, nous sous-estimons les conséquences sociales et économiques. La commune de Jouars-Pontchartrain est traversée par plusieurs axes routiers, dont une nationale. Le flot des véhicules s’est tari temporairement durant la période de confinement. Bien sûr, nous souhaitons tous sortir de cette crise sanitaire le plus rapidement possible. Paradoxalement, nous craignons que le retour « à la vie d’avant » entraine de nouveau avec lui les maux que nous dénonçons dans la suite de l’article.

Il existe cependant une lueur d’espoir pour les riverains en sortie du tunnel de Chennevières. Une étude acoustique d’envergure va être financée par la mairie pendant l’automne 2021.

Au cours de ce premier chapitre, nous expliquons ce qu’est la pollution sonore, et détaillons les impacts sur notre santé et l’environnement. Une seconde partie recueillera les témoignages des riverains de la N12, de la route de Paris, et des habitants des hameaux.


Enfin, dans la troisième et dernière partie, nous reviendrons sur la genèse de l’étude acoustique à venir, et les solutions à envisager pour nous protéger. Et elles ne sont pas toutes du ressort des pouvoirs publics…


Les conséquences sur la santé humaine

L'étude Buxton publiée par la revue Science en mai 2017 a montré que le bruit de fond de l'activité humaine a doublé dans la majeure partie des zones protégées, et a même augmenté au sens large partout… L'homme est donc exposé à un niveau de bruit plus important au fur et à mesure des années, et le phénomène est accentué par notre sensibilité croissante.


Les premiers effets du bruit sont ressentis dans la qualité du sommeil, notamment dans les phases de sommeil profond. C’est durant ces phases que le corps récupère majoritairement de sa fatigue physique.

Avez-vous déjà été réveillé au milieu de la nuit par un indélicat, au volant d’une voiture équipée d’un échappement creux, ou d’un autoradio poussé au maximum ? Ponctuellement, il n’y a pas de péril majeur. Mais il n’est pas nécessaire de subir des comportements aussi excessifs pour que la souffrance se mette en place. Sur le long terme, un bruit même « modéré » troublant le sommeil peut engendrer une confusion mentale, entraînant des difficultés d'apprentissage, ainsi que des stress corporels.

Une étude du London Imperial College avance que ces stress corporels liés au bruit, altèrent la fluidification du sang et qu’ils augmentent le risque de subir un AVC, mais également le risque de diabète, et l’hypertension.

L'observatoire BruitParif évalue même l'impact du bruit des transports au sens large dans son étude "Impacts sanitaires du bruit des transports dans la zone dense de la région Île-de-France" à 10 mois de vie en bonne santé en moins pour les seuls Franciliens, particulièrement impactés.

Enfin, le bruit à niveau élevé peut générer de véritables lésions au niveau de l'oreille interne ainsi que des impacts au niveau de l'oreille externe, avec au mieux des acouphènes, au pire la surdité.


Les effets du confinement

Le confinement total de la France au printemps 2020 aura eu quelques effets positifs bien que temporaires sur la pollution sonore.

Les bénéfices liés à la réduction des bruits extérieurs (transports, activités économiques) ont été notables en termes de réduction de la gêne puisque 76% des répondants à l’étude du CIDB le relèvent.

La réduction de la fatigue (45%), l’amélioration de la qualité du sommeil (40%), et une meilleure concentration (40%) ont contribué à une amélioration de la sante perçue pour une partie des répondants. La réduction de l’énervement et des tensions dus aux bruits extérieurs ne concerne « que » 24% des répondants.

Les personnes les moins sensibles à leur environnement sonore avant le confinement, le sont devenues après le confinement. En effet, 60% des personnes insensibles au bruit avant le confinement sont devenues plus sensibles alors qu’elles ne sont que 49% lorsqu’elles se disaient déjà sensibles au bruit.


L’impact Social

Oui, le bruit réduit les performances au travail et entraîne des modifications du comportement social, la tendance naturelle à l’aide mutuelle disparaissant. Dans le cas des enfants, diverses études prouvent que les élèves des écoles exposées à des niveaux de bruit élevés éprouvent de plus grandes difficultés d’apprentissage.

Le bruit augmente la fatigue ainsi que l'irritabilité, affecte le sommeil... et l'expression du "bruit qui rend fou" prend tout son sens. Ce qui avant était un bruit accepté ou faisant partie de la vie quotidienne devient aujourd'hui intolérable. C'est ainsi que le coq de ferme "Maurice" qui chante le matin est devenu insupportable, conduisant un nouveau propriétaire de maison à l'assigner au tribunal pour le faire interdire.



L'intolérance augmente ainsi d'année en année jusqu'à provoquer l’agressivité. Un riverain de Bagneux excédé par le bruit excessif d'un scooter passant près de chez lui finit par prendre sa carabine et ce qui aurait pu être un "simple coup de fusil en l'air" s'est transformé en un tir potentiellement mortel qui touche un jeune homme de 17 ans et l'envoie à l'hôpital.

Plus il y a de bruit, moins on est tolérant. Cette intolérance au jour le jour se transforme en agressivité sur les réseaux sociaux avec des propos haineux. Parmi les coupables tout désignés : les 2 roues motorisés. Cette montée d'un sentiment anti-motard est le résultat provoqué par une minorité de comportements non-excusables, mais sans aucune distinction, et avec une virulence parfois impressionnante, à la mesure en tout cas de la nuisance ressentie.


Selon une simulation de Bruitparif, une moto débridée peut réveiller à elle seule une dizaine de milliers de personnes en un seul trajet nocturne dans la capitale – vingt fois moins avec un échappement normalisé. « Même avec les fenêtres fermées, ça risque de perturber le sommeil, sans forcément de réveil conscient », explique Fanny Mietlicki, la directrice de Bruitparif.


L’aspect économique

En France, le seul impact humain de la pollution sonore des transports est estimé à 57 milliards d’euros annuels ; c'est 3 % du PIB national en 2016 (Etude Ademe/CNB 2016). Du côté immobilier, la pollution sonore induit une décote annuelle de 7,1 milliards d’euros.

49 milliards d'euros sont récoltés par la seule taxe sur les nuisances aériennes et affectés à l'aide à l'insonorisation en 2019 (Acnusa - Rapport public 2020). Ces aides à l'insonorisation regroupent aussi bien des subventions de l’Anah que des crédits d’impôt, des éco-prêts à taux zéro ou des aides de collectivités territoriales qui peuvent être attribuées pour des travaux d’isolation acoustique.


Les enjeux pour les communes sont nombreux. Bien au-delà de la réduction des nuisances sonores, agir sur le trafic routier permet de conférer aux villes plus de sécurité, de qualité de vie, d’urbanité et de convivialité. Ainsi, elles gagnent en attractivité et en compétitivité.


Impact sur la faune

La plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, IPBES, estime que 25 % des espèces sont en danger à l’échelle du globe en raison des activités humaines, soit environ un million d’espèces déjà menacées d’extinction durant les décennies à venir. Si la tendance actuelle se perpétue, l’augmentation du taux global d’espèces menacées d’extinction s’accélérera alors qu’il est déjà supérieur à des dizaines voire à des centaines de fois à celui relevé durant les dix derniers millions d’années.

Quelles sont les causes de cette situation inédite à l’échelle humaine ?

L’IPBES met en avant les mieux connues : raréfaction et fragmentation des habitats naturels, surexploitation des ressources naturelles, pesticides, agriculture intensive, essentiellement. Pourtant, il se pourrait que la pollution sonore joue aussi un rôle non négligeable dans le dérangement des espèces. Quoi qu’invisibles, les bruits d’origine humaine ont pris une ampleur considérable à partir du vingtième siècle, et rares sont devenus les espaces dépourvus de sons anthropiques. Dans le même temps, les relations des espèces animales au son sont de mieux en mieux cernées grâce à deux disciplines proches : la bioacoustique et l’écoacoustique.


La première étudie ces relations à l’échelle de l’espèce. Bioacousticienne au CNRS et à l’Université Paris-Saclay, Isabelle Charrier explique que son « équipe étudie la communication acoustique animale dans de nombreux groupes : oiseaux, insectes ou encore mammifères terrestres ou marins. Nous nous penchons notamment sur la communication à l’intérieur de l’espèce, la sélection sexuelle et la reconnaissance sociale face aux contraintes sonores biologiques ou environnementales. » D’apparition plus récente, l’écoacoustique se propose d’étudier les relations du vivant au son à l’échelle des paysages sonores propres aux différents écosystèmes.

L’étude des impacts du bruit humain sur la biodiversité fait pleinement partie de ces disciplines, et après des décennies de recherche, les premiers travaux de synthèse sont disponibles. Ils font la revue des dégâts constatés : désordres liés au stress, pertes auditives, pertes de repères dans l’espace, difficulté accrue à communiquer, problèmes de reproduction et génétiques, difficultés alimentaires, etc.

Les premiers travaux inspirés par la bioénergétique montrent même que les populations d’un certain nombre d’espèces sont affectées négativement par la pollution sonore. Des études qui devraient contribuer à hisser le rang du bruit parmi les facteurs de la crise de la biodiversité.


Décibels et Fréquences

Un décibel c’est quoi ?

Le bruit est lié au son et aux vibrations qui se propagent dans l'air, et se mesure en décibels. Les bruits s'additionnent mais pas en décibels. Ainsi, deux sources sonores identiques ne doublent pas le niveau de décibels. Autrement dit, quelques décibels en plus signifient souvent le doublement du bruit perçu par l'oreille. En l'occurrence, le bruit double tous les 3 décibels !


Une fête foraine est de l'ordre de 90 décibels. Un échappement de moto peut varier de 85 à 98 décibels. Un pub dansant monte à 100 décibels, une discothèque à 105, un concert 110.

Plus le niveau de décibels est haut, moins il faut y être confronté de façon prolongée.


Il est admis que sous les 80 décibels, il n'est pas nécessaire de mesurer le temps d'exposition. Mais il ne faut pas dépasser une heure d'exposition quotidienne à 94 dB et pas plus de 15 minutes à 100 décibels. Le seuil de douleur de l'oreille est à 120 décibels. Mais 10 secondes même à 100 dB en ville en pleine nuit, réveille et a donc un impact négatif sur les citoyens.

Le problème, c'est que les décibels ne mesurent pas tout et notamment la fréquence. L'oreille humaine perçoit les fréquences entre 20 et 20.000 hertz (des informations similaires à celles indiquées sur les casques audio, certains allant bien en-deçà et au-delà). L'oreille est plus sensible (ou agressée) par certaines fréquences que d'autres.

Mais globalement, baisser les décibels permet de diminuer la nuisance sonore. D'où l'intérêt de l'évolution des normes appliquées aux véhicules à moteur thermique. Depuis plusieurs décennies, les études et les moyens mis en œuvre ont permis de réduire le bruit produit. Les actions législatives et les progrès techniques ont permis cette transformation.

Toutefois, malgré ces évolutions la croissance continue du trafic routier que nous connaissons impose toujours plus de moyens pour canaliser et réduire les pollutions, notamment sonores, issues des transports routiers. Les émissions sonores des transports routiers proviennent de sources diverses. Cette liste n’est pas un classement par ordre de grandeur :

Bruit du moteur, bruit de roulement, bruit lié à la prise d’air et au pot d’échappement, bruit de la boite de vitesse et de la transmission, bruit aérodynamique, bruit du système de refroidissement, bruit des avertisseurs sonores et des installations stéréo, bruit lié au mauvais entretien du véhicule, bruit associé au type de revêtement routier, bruit causé par l’état du trafic, bruit engagée par la vitesse du véhicule, bruit lié au comportement et au style de conduite des usagers…

Le volume de trafic a un impact direct sur les émissions sonores : plus les véhicules sont nombreux sur la route plus il y a de bruit.

Mais si les émissions acoustiques s’ajoutent, les décibels, qui sont des logarithmes, ne s’ajoutent pas. Lorsqu’une source sonore est multipliée par 2, le niveau augmente de 3 dB, une variation tout juste perceptible par l’oreille humaine. Par exemple, dans l’addition de 2 sons de 60 dB chacun n’équivaut pas à 120 dB mais à 63 dB.

Evidemment le bruit engendré par le passage d'un véhicule est d'autant plus important que sa vitesse est élevée. A l’origine du bruit routier, deux sources majeures : le moteur et le contact des pneus avec le revêtement. Lorsque le véhicule roule lentement, c'est le bruit du moteur qui est perçu. En règle générale, à partir de 40 km/h, le bruit de roulement des pneus sur le revêtement de la route prédomine. Au cours du déplacement d'un véhicule, ces deux sources sont constamment présentes mais se masquent l'une l'autre selon la vitesse du véhicule.

En revanche, le bruit émis par le moteur des deux roues est prédominant quelle que soit leur vitesse. Les deux roues sont également sources d’événements bruyants: malgré une réglementation limitant théoriquement le bruit des deux roues, les contrôles en la matière sont rares. Une moto équipée d’un système d’échappement illégal couplée à une conduite agressive peut émettre jusqu’à 30 dB supplémentaires, soit 8 fois plus bruyante qu’une moto équipée d’un système standard accompagnée d’une conduite normale !


Le cadre ayant été posé dans cette première partie, nous centrerons notre réflexion sur la façon dont notre commune est impactée dans la suivante. Des questionnaires ont été envoyés aux riverains de la N12. Plusieurs témoignages nous sont revenus des Hameaux d’Ergal et de Chennevières. Nous exposerons les ressentis relatifs à la pollution sonore dans cette 2ème partie de l’article.


Vincent Courtès (ACSERB)

Delphine Alvaro (AC)

Gilbert Sengler (ADEE)


* La lutte contre le bruit est partagée par tous, et concerne, au-delà des associations rédactrices du texte en question, toutes les associations de défense de l'environnement de JP. Par exemple, lors de l'action menée par l’ACSERB de replantation et re-végétalisation de l’imposante butte de terre à l’arrière du parking de covoiturage, l’APPEJP avait effectivement offert des scions afin de recréer cette barrière végétale qui protégeait du bruit de la D912 les riverains avant sa destruction… ".


Sources :

http://edd.ac-besancon.fr/rapport-de-levaluation-mondiale-de-la-biodiversite-et-des-services-ecosystemiques/

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cibel_A

https://www.bruitparif.fr/le-cout-social-du-bruit/

https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf


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